Recrudescence des Entérovirus à tropisme neurologique

Chers collègues et amis,

 

Cette année, les USA ont signalé une recrudescence importante des infections respiratoires aiguës et des exacerbations d’asthme en pédiatrie à partir de la semaine 33, associée à une augmentation des cas de myélite en semaine 35 (Ma et al., MMWR, 2022 ;  https://acuteflaccidmyelitis.org/). Au 20 Septembre, 260 cas d’infections à EV-D68 avaient été répertoriés par le New Vaccine Surveillance Network (NVSN) (4,6% des prélèvements testés depuis Mars 2022) avec une franche augmentation du nombre d’échantillons respiratoires positifs à EV-D68 parmi les échantillons détectés EV/rhino positifs (50% de positivité en semaine 32) (Ma et al., MMWR, 2022).

En France, un screening renforcé a donc été mis en place aux CHU de Lyon et de Clermont-Ferrand en vue d’une évaluation initiale du niveau de circulation de l’EV-D68. Au total, 30 cas ont été détectés depuis le 19 Août avec 6,1 à 6,7% d’échantillons respiratoires positifs en EV-D68 depuis la semaine 37 au CHU de Lyon. Parmi les cas documentés, 82% présentaient des signes respiratoires (essentiellement exacerbations d’asthme et pneumopathies oxygéno-requérantes). Deux tableaux convulsifs ont également été rapportés. Par ailleurs, deux cas de myélites ont été rapportés par le CHU de Toulouse et l’hôpital Necker, dont un associé à une infection à EV-A71 et l’autre suspect d’être associé à une infection à EV-D68 (tableau d’asthme initial).

L’évolution de la circulation de l’EV-D68 en France métropolitaine est difficile à prévoir à ce stade. Néanmoins, le potentiel épidémique (pics habituels entre les semaines 44 et 48) et la survenue d’atteintes sévères respiratoires et neurologiques nous semblent justifier la mise en place d’une surveillance renforcée au niveau national. Notre proposition serait de réaliser un génotypage exhaustif des échantillons respiratoires détectés positifs à Rhinovirus-EV chez les patients hospitalisés en soins continus ou réanimation, ainsi que ceux des enfants présentant des atteintes neurologiques (neuro-pédiatrie) entre les semaines 37 et 52. Cela nous permettrait d’évaluer plus précisément l’impact de l’EV-D68 et d’éventuels autres EV (et rhinovirus) dans les infections sévères. Pour tout tableau de myélite, il serait bien entendu justifié d’analyser et de nous adresser également tout échantillon de selles détecté positif en EV. Nous souhaiterions en outre associer nos collègues ultramarins, s’ils le souhaitent. Peu de données (saisonnalité différente ?) sont disponibles dans ces territoires.

Nous vous proposons un bilan détaillé sur les infections à EV-D68 diagnostiquées par le RSE entre 2016 et 2021 ainsi que les données 2022 actuellement disponibles en France et en Europe dans le contexte de cette circulation automnale d’EV-D68. Par ailleurs, un point épidémiologique plus global sur les infections à EV est en cours de finalisation à partir des données que vous aviez saisies jusqu’au 4 Octobre. Il devrait être mis en ligne le 24 Octobre sur le site de Santé Publique France. Nous vous remercions tous vivement pour les efforts fournis dans des délais restreints.

Bien amicalement

 

Pour le CNR

Isabelle Schuffenecker, Marion Jeannoel, Bruno Lina (Virologie, CHU Lyon)

Audrey Mirand, Cécile Henquell (Virologie, CHU Clermont-Ferrand)